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Dernière mise à jour le 24 octobre 2023

La réforme de la santé au travail : du nouveau pour les CSE

par | mar 24 Oct 2023

L’Assemblée nationale a adopté, le 23 juillet 2021, la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail, elle est entrée en vigueur le 31/03/22. Ce texte définitif reprend de nombreuses mesures issues de l’accord national interprofessionnel (ANI) conclu par les partenaires sociaux le 9 décembre 2020.

Par exemple :

    • la modification du document unique d’évaluation des risques (DUER)
    • le renforcement du rôle et des moyens du CSE
    • l’aménagement des visites de reprise et de pré-reprise
    • la création d’une visite dès 45 ans et d’un passeport prévention
    • de nouveaux services de prévention et de santé au travail
    • etc.

Telles sont les principales mesures de la réforme de la santé au travail.

La définition du harcèlement sexuel au travail est revue.

L’article L1153-1 du Code du travail a été modifié. La notion des propos ou des comportements à connotation sexuelle répétés est complété par les comportements « sexiste ». Ainsi, ce texte est complété par trois alinéas prévoyants que le harcèlement sexuel au travail est matérialisé lorsqu’il est subi par le salarié. Notamment, lorsque de tels propos ou comportements viennent de plusieurs personnes, en concertation ou non. Et, ce, même si ces personnes n’ont pas agi de façon répétée.

Un nouveau nom pour les Services de Santé au Travail (SST).

Les Services de Santé au Travail sont renommés « Services de Prévention et de Santé au Travail » (SPST). Le but est de renforcer leur rôle en matière de prévention. Nous verrons plus tard que la mission des SPST est étendue à l’évaluation et à la prévention des risques professionnels dans l’entreprise. Leurs missions sont également étendues aux actions de promotion de la santé sur le lieu de travail.

La réforme de la santé au travail a renforcé les attributions des CSE et elle a créé une nouvelle consultation du CSE.

Tout d’abord, dans les entreprises de 11 à 49 salariés, la réforme de la santé au travail a renforcé les attributions du CSE. L’article L2312-5 du Code du travail modifié, prévoit l’obligation pour l’employeur de présenter au CSE, des entreprises de 11 à 49 salariés, la liste des actions de prévention et de protection. Cette liste est prévue par le nouvel article L4121-3-1 du Code du travail. Ce dernier intègre dorénavant le document unique d’évaluation des risques (DUER) au niveau des dispositions législatives du Code du travail. Je reviendrai sur celui-ci un peu plus loin dans cet article.

Toutefois, dans les entreprises de plus de 50 salariés, la réforme de la santé au travail ajoute une nouvelle consultation du CSE sur le DUERP. Ainsi, l’article L4121-3 du Code du travail modifié prévoit que : « […] en application du 1° de l’article L. 2312-9. Le comité social et économique est consulté sur le document unique d’évaluation des risques professionnels et sur ses mises à jour. » Ce qui veut dire que les CSE des entreprises de plus de 50 salariés devront être consultés sur le DUERP. En effet, l’article L2312-9 renvoi à une prérogative CSE des entreprises dont l’effectif et supérieur à 50 salariés.

Ensuite, la consultation sur la politique sociale, prévue à l’article L2312-27 du Code du travail, a également été modifié. Par conséquent, l’article modifié renvoie le programme annuel de prévention au nouvel article L4121-3-1 du Code du travail. Jusqu’à présent, ce programme était totalement indépendant du DUERP. Avec ce nouvel article, il sera intégré au DUERP. Toutefois, le programme annuel concerne uniquement les entreprises de plus de 50 salariés. À mon sens, la réforme de la santé au travail permettra une meilleure lecture et une meilleure application en entreprises.

La réforme de la santé au travail a instauré la participation du CSE à l’évaluation des risques dans l’entreprise.

Le texte définitif a ajouté cinq alinéas à l’article L4121-3 du Code du travail. Avant le 31/03/22, l’employeur n’avait aucune obligation de faire contribuer le CSE à l’évaluation des risques. Dorénavant, l’employeur doit faire contribution à l’évaluation des risques dans l’entreprise :

    • dans le cadre du dialogue social dans l’entreprise, le comité social et économique et sa commission santé, sécurité et conditions de travail, s’ils existent, en application du 1° de l’article L. 2312-9. Attention, cela concerne seulement les CSE des entreprises de plus 50 salariés, l’article L2321-9 renvoyant à une prérogative de ceux-ci. 
    • le salarié désigné compétent
    • et le service de prévention et de santé au travail.

Autrement dit, l’évaluation des risques professionnels devient pluridisciplinaire afin de renforcer la prévention dite primaire. De plus, au second alinéa, il est prévu que le CSE d’une entreprise de plus de 50 salariés est consulté sur le DUER et sur ses mises à jour. Ce sont de belles avancées pour la prévention des risques professionnels.

La formation en SSCT des membres du CSE et de la CSSCT est renforcée par la réforme de la santé au travail.

L’article L2315-18 du Code du travail modifié prévoit que la formation des membres du CSE passe à 5 jours lors du premier mandat, quel que soit l’effectif de l’entreprise. Auparavant, la durée de cette formation est de 3 jours dans les entreprises de moins de 300 et de 5 jours pour celle dont l’effectif est supérieur à 300 salariés.

Toutefois, dans le cas de renouvellement de ce mandat, la formation en SSCT du CSE/CSSCT est d’une durée minimale :

  1. De trois jours pour chaque membre de la délégation du personnel, quelle que soit la taille de l’entreprise
  2. De cinq jours pour les membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail dans les entreprises d’au moins trois cents salariés.

Le financement de la formation est toujours pris en charge par l’employeur. Néanmoins, cette formation pourra être prise en charge par les opérateurs de compétences (OPCO) dans les entreprises de moins de 50 salariés.

Un nouvel article au Code du travail pour renforcer le DUER.

Pour commencer, ce nouvel article L4121-3-1 du Code du travail comporte des dispositions en vue de renforcer l’existence, l’importance et le contenu du DUER. Auparavant, le document unique faisait uniquement l’objet de dispositions règlementaires (article R4121-1 du Code du travail). Ce nouvel article précise également que les résultats de l’évaluation débouchent sur un programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail (PAPRIPACT). Attention, ceci s’applique seulement aux entreprises de plus de 50 salariés, comme indiqué précédemment. Pour les entreprises de moins de 50 salariés, la liste des actions de prévention des risques et de protection des salariés est consignée dans le DUER. Elle doit de plus être présentée par l’employeur au CSE dans les entreprises dont l’effectif est inférieur à 50 salariés.

Ensuite, une conservation successive du document doit se faire pour assurer la traçabilité collective des expositions aux risques. Par conséquent, la durée de conservation ne pourra plus être inférieure à 40 ans. Pour garantir cette conservation, il est prévu le dépôt dématérialisé du DUERP et de ses mises à jour sur un portail numérique encadré par les organisations d’employeurs. L’obligation de dépôt dématérialisé du DUERP devait être applicable à compter du 1ᵉʳ juillet 2023 pour les entreprises de plus de 50 salariés. Et, au plus tard, à compter 1ᵉʳ juillet 2024 pour les entreprises de moins de 50 salariés.

Interrogé samedi 1ᵉʳ juillet 2023 par Liaisons Sociales Quotidien, le ministère du Travail a indiqué que cette entrée en vigueur est décalée. En effet, le portail numérique dédié à ces dépôts de DUER et PAPRIPACT n’est finalement pas prêt. L’entourage du Ministre Olivier DUSSOPT a également indiqué : « Nous préciserons rapidement les modalités de mise en œuvre et le calendrier… ».

Enfin, le DUER devra être transmis par l’employeur à chaque mise à jour au service de prévention et de santé au travail.

La réforme de la santé au travail a modifié la QVT.

Le terme « qualité de vie au travail » est remplacé par « qualité de vie et des conditions de travail » dans le Code du travail. Notamment dans le livre II de la seconde partie du Code. Également, Le nouvel article L2242-19-1 du Code du travail prévoit que la négociation peut également porter sur la qualité des conditions de travail, notamment sur la santé et la sécurité au travail et la prévention des risques professionnels. Elle peut s’appuyer sur les acteurs régionaux et locaux de la prévention des risques professionnels.

La création d’un passeport prévention pour les salariés.

La réforme de la santé au travail reprend la mesure de l’ANI prévoyant la création d’un passeport prévention. Il listera l’ensemble des formations suivies par le salarié en matière de sécurité et de prévention des risques professionnels. On y trouvera également les formations obligatoires, les attestations, les certificats et les diplômes obtenus. Ces dispositions devaient entrer en vigueur au plus tard le 1ᵉʳ octobre 2022.

Néanmoins, le décret, attendu pour octobre 2022, a été publié le 30 décembre 2022. En juillet 2023, l’INRS a apporté quelques précisions sur le déploiement de ce passeport encadré par la Caisse des Dépôts. L’INRS indique que depuis le 30 mai 2023, seul l’espace dédié aux salariés est opérationnel. Toutefois, seules les formations effectuées grâce au CPF ou à un financement public figurent dans le passeport de prévention, avec possibilité pour les travailleurs concernés d’obtenir, via leur espace, une attestation de formation. Le calendrier de déploiement sera le suivant : courant 2023-2024 (sans davantage de précision…), l’espace dédié aux employeurs devrait être ouvert afin qu’ils puissent y intégrer les formations organisées à leur initiative. L’espace sera ensuite ouvert, courant 2024, aux organismes de formation.

 

Agrément, certification et socle de services des SPST.

Par ailleurs, le texte améliore la qualité du service rendu par les services de santé et de prévention au travail (SPST). Ces derniers devront proposer un socle de services et feront l’objet d’une procédure de certification et d’agrément. Leurs règles de tarification sont revues. Un décret précisera ces dispositions.

Afin d’assurer un meilleur suivi des travailleurs, l’accès au dossier médical partagé (DMP) est ouvert au médecin du travail qui pourra l’alimenter. Les sénateurs sont revenus sur le principe que l’intégralité du dossier médical en santé au travail (DMST) soit intégrée au DMP. À la place, un volet relatif à la santé au travail complétera le DMP. Il sera accessible aux médecins et professionnels de santé du patient. Le travailleur pourra s’opposer à l’accès du médecin du travail à son dossier médical partagé. L’entrée en vigueur est prévue pour le 1ᵉʳ janvier 2024.

Des nouveautés dans le suivi médical des travailleurs.

Un nouvel article L4624-2-2 du Code du travail ajoute une nouvelle visite à 45 ans pour les travailleurs.

Reprenant une mesure de l’ANI, le texte définitif instaure une visite médicale de mi-carrière réalisée à une échéance définie par accord de branche ou, à défaut, l’année des 45 ans. Le but est d’établir un état des lieux de l’adéquation entre le poste de travail et l’état de santé du salarié. Ceci permettra aussi d’évaluer les risques de désinsertion professionnelle.

Le texte définitif étend et améliore le suivi en santé au travail de certains travailleurs par les SPST.

Les intérimaires, les salariés d’entreprises sous-traitantes ou prestataires, pourront être suivis par le SPST autonome de l’entreprise utilisatrice ou donneuse d’ordre. Par conséquent, la modification de l’article L1251-22 et l’ajout de l’article L4622-5-1 du Code du travail viendront entériner ces dispositions. Le nouvel article L4621-2-1 du Code du travail permet aux travailleurs indépendants et chefs d’entreprise non-salariés d’être suivis par les SPST interentreprises. Il est prévu une offre spécifique de services.

Pour les arrêts de travail, consécutifs à un accident ou une maladie d’origine professionnelle ou non, dont la durée sera fixée par décret.

Le texte définitif crée un « rendez-vous de pré-reprise » entre le salarié et l’employeur, associant le service de prévention et de santé au travail (SPST). Ce rendez-vous reste facultatif et il peut être organisé à l’initiative de l’employeur ou du salarié.

Un examen de pré-reprise réalisé par le médecin du travail sera possible en cas d’arrêt de travail supérieur à une durée fixée par décret.

Il aura lieu à l’initiative du salarié, de l’employeur, des services médicaux de l’assurance maladie ou du médecin du travail, dès lors que le retour du salarié à son poste est anticipé.

Le texte définitif crée une convention de rééducation professionnelle pour les travailleurs déclarés inaptes.

Cette convention sera conclue entre l’employeur, le salarié et la CPAM. Elle aspire à, soit le maintien dans l’entreprise du salarié déclaré inapte, soit l’embauche du salarié dans une autre entreprise.

Comme le suggère l’ANI, le texte autorise un médecin de ville à contribuer au suivi médical des salariés.

Ils seront dénommés médecin praticien correspondant et devront disposer d’une formation en médecine du travail. Toutefois, il ne pourra pas contribuer au suivi renforcé. Les modalités de formation et les conditions de cette contribution seront déterminées par décret.

Enfin, le professionnel de santé pourrait recourir aux pratiques médicales à distance (« télémédecine ») pour le suivi individuel du salarié.

En synthèse, ce qu’il faut retenir de ce texte, c’est le renforcement du DUER, du rôle et des attributions du CSE et l’ensemble des modifications qui concernent les SPST.

Proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail, définitivement adoptée le 23 juillet 2021 : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15t0657_texte-adopte-provisoire.pdf

Publication au journal officiel le 2 août 2021 de la loi n° 2021-1018 pour renforcer la prévention en santé au travail, c’est ici : https://www.legifrance.gouv.fr/download/file/Kfhp4uzKYCIO4d0RRPB2AKzJjClAdyVclT8YLRvUK-g=/JOE_TEXTE