Droit d’alerte économique : comment le CSE peut agir face à une situation inquiétante ?

✍️ Freddy VALLERANT | 📆 25 Oct 2025 | 🔄 25/10/2025 | 🗂️ Les moyens du CSE | ⏱️ : 10 minutes

En résumé

Le droit d’alerte économique permet au CSE de réagir dès l’apparition d’éléments préoccupants de nature à affecter la situation économique de l’entreprise.

La procédure est encadrée par le droit du travail → questions à l’employeur, inscription à l’ordre du jour et possibilité de mandater un expert-comptable.

L’objectif est d’obtenir des informations fiables, établir un rapport et prévenir un risque économique ou social avant qu’il ne produise ses effets sur l’emploi.

Droit d’alerte économique : que peut réellement faire un CSE face à une situation préoccupante ?

Dès les premiers signes – baisse du chiffre d’affaires, perte de clients, retards de paiement – les représentants du personnel peuvent agir.

En posant des questions à l’employeur, en inscrivant la procédure d’alerte à l’ordre du jour, et en sollicitant un expert-comptable, le Comité Social et Économique dispose d’un outil de prévention efficace contre les difficultés économiques.

Prévue par l’article L2312-63 du Code du travail, cette procédure donne au CSE les moyens de protéger l’emploi et prévenir les risques sociaux.

👉 Voici tout ce qu’il faut savoir sur le droit d’alerte économique.

Sommaire

Droit d’alerte économique : dans quelles situations le CSE peut-il l’activer ?

Le CSE peut déclencher son droit d’alerte économique dès qu’il a connaissance de faits susceptibles d’affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise.

Détection des premiers signes de fragilité économique

Tout ne commence pas toujours par une annonce officielle. Parfois, ce sont de petits signaux faibles qui alertent les membres du CSE.

Larticle L2312-63 du Code du travail permet au Comité Social et Économique mis en place de déclencher cette procédure dès qu’un fait préoccupant de la situation financière de l’entreprise est porté à sa connaissance.

En tant que membre du CSE, votre rôle consiste à observer, recueillir des informations, et poser les bonnes questions. Il ne s’agit pas d’attendre que la situation se dégrade, mais de prévenir au plus tôt une crise économique.

Voici quelques indicateurs concrets à surveiller dès les premières alertes :

  • Baisse prolongée du chiffre d’affaires ou des commandes.
  • Réduction soudaine des investissements.
  • Rumeurs de fermeture de site.
  • Stocks anormalement élevés ou qui ne tournent plus.
  • Tensions sur la trésorerie, retards de paiement aux fournisseurs ou aux salariés.

La procédure d’alerte économique n’exige donc pas que l’entreprise soit en situation de cessation de paiement. Vous pouvez intervenir bien avant, à titre préventif, pour éviter d’en arriver là.

Faits ou événements susceptibles de justifier le déclenchement

Quels sont les faits de nature à motiver un droit d’alerte économique ? Vous n’avez pas à prouver qu’un danger grave et imminent existe, mais à démontrer que la situation économique devient inquiétante.

Voici quelques exemples concrets où l’alerte peut être activée :

  • Une réorganisation interne mal expliquée, susceptible de menacer l’emploi.
  • Une baisse importante et durable des ventes.
  • Un report ou une suppression d’investissements.
  • L’annonce d’une cession d’activité ou d’un changement d’actionnaire.
  • L’annonce d’une procédure de licenciement collectif et d’un plan de sauvegarde de l’emploi.
  • Des résultats financiers inquiétants non communiqués de façon transparente.
  • Une fusion ou acquisition non discutée en amont.
  • Une hausse soudaine de l’endettement ou des pertes d’exploitation consécutives.

Attention

Même si les faits semblent mineurs isolément, leur cumul peut justifier une alerte. Prenez le temps de les croiser et de vérifier les tendances sur plusieurs mois.

Ce sont souvent les données financières, les changements stratégiques, ou les retards récurrents dans les projets qui justifient l’ouverture de la procédure.

Il est donc essentiel de :

  • Documenter les faits.
  • Échanger avec les salariés.
  • Et, si besoin, de demander l’avis d’un expert-comptable.

Bon à savoir

Le droit d’alerte économique ne peut être exercé que par le CSE central dans les entreprises dotées d’établissements distincts. Un CSE d’établissement ne peut pas le déclencher, même si le CSEC ne l’a pas fait (Cass. Soc., 15 juin 2022, n°21-13.312).

Comment se déroule concrètement la procédure d’alerte économique ?

La procédure du droit d’alerte économique du CSE suit des étapes précises : le Comité inscrit des questions à l’ordre du jour, analyse les réponses de l’employeur, peut mandater un expert-comptable pour établir un rapport, puis transmet ce rapport aux organes dirigeants.

Inscription à l’ordre du jour et formulation des questions

Tout commence par une inscription à l’ordre du jour de la prochaine séance du CSE. L’employeur ne peut pas refuser ce point, même si la situation lui semble exagérée.

Le CSE formule alors, par écrit, des questions précises liées à la situation économique, et les transmet à la direction plusieurs jours à l’avance.

Vous pouvez, par exemple, demander :

  • Cette baisse de chiffre d’affaires est-elle conjoncturelle ou structurelle ?
  • Quelles mesures sont prévues pour assurer la viabilité de l’activité ?
  • Des suppressions de postes sont-elles envisagées dans les prochains mois ?

Chaque question est inscrite à l’ordre du jour et fera l’objet d’une délibération en séance.

Réunion avec l’employeur et analyse des réponses

L’article L2312-63 du Code du travail impose à l’employeur de fournir des explications détaillées aux membres du CSE dès la réunion, sous peine de délit d’entrave.

La direction doit répondre point par point aux interrogations (Cass. Soc., 8 mars 1995, n°91-16.002).

À ce stade, 2 options se présentent :

  • Soit le CSE estime que les explications sont suffisantes et met fin à la procédure.
  • Soit les réponses sont jugées insuffisantes ou confirment la gravité de la situation : le processus d’alerte se poursuit.

Cette étape joue un rôle déterminant : c’est sur la base de ces réponses que le CSE peut justifier un recours à l’expertise.

Le saviez-vous ?

Vous avez la possibilité d’enregistrer les réunions du CSE à condition qu’une décision majoritaire du CSE l’autorise et que tous les participants en soient informés au préalable.

Chez FV Formation, nous proposons un service de rédaction de procès-verbaux assuré par des experts – une solution efficace pour éviter les désaccords sur le contenu du PV.

Désignation de l’expert-comptable et rédaction du rapport

Si le caractère préoccupant est confirmé, le CSE peut désigner un expert-comptable de son choix. Ce dernier est financé à 80 % par l’employeur et à 20 % par le budget de fonctionnement du CSE.

Le saviez-vous ? 

En dehors de la mise en œuvre du droit d’alerte économique, l’expertise réalisée dans le cadre de la consultation obligatoire sur la situation économique et financière de l’entreprise peut être entièrement financée par l’employeur (article L2315-80 du Code du travail).

Sa désignation est votée en réunion à la majorité des membres de la délégation du personnel.

Sa mission est d’analyser la situation financière de l’entreprise, d’assister et d’aider le comité à rédiger un rapport clair et argumenté. L’expert accède à l’ensemble des données financières et stratégiques utiles (Cass. Soc., 16 mai 1990, n°87-17.555).

Dans les entreprises d’au moins 1000 salariés et en l’absence d’accord, le rapport est établi par la commission économique.

Attention

Un recours à l’expertise par le CSE peut être annulé par le tribunal judiciaire s’il est jugé abusif.

Pour illustration, dans un arrêt de la chambre sociale de la Cour de Cassation du 11 septembre 2024 (n°23-12.500), le CSE avait sollicité une expertise après en avoir réalisées 14 sur 2,5 ans, en sus d’une expertise récente dans le cadre de l’information consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise.

Transmission aux organes dirigeants

Une fois le rapport finalisé et débattu en séance, le CSE le transmet :

  • À l’employeur.
  • Au commissaire aux comptes, s’il y en a un.
  • Et, le cas échéant, au conseil d’administration ou conseil de surveillance, selon la forme juridique de l’entreprise (article L2312-65 du Code du travail).

L’organe chargé de la direction doit ensuite fournir une réponse motivée.

L’employeur peut-il s’opposer au droit d’alerte économique ?

Non, l’employeur ne peut pas empêcher le CSE de mettre en œuvre une procédure d’alerte économique. Ce droit constitue une prérogative légale du comité. Il permet aux représentants du personnel d’agir dès l’apparition de signes préoccupants de nature à dégrader la situation économique de l’entreprise.

Que faire en cas d’obstacle ou refus de coopération ?

Dans certains cas, l’employeur peut tenter de ralentir ou bloquer la procédure d’alerte, en refusant de répondre aux questions posées en réunion ou en contestant les décisions prises par le CSE.

Voici comment réagir :

  • Consigner le refus dans le procès-verbal de la réunion concernée.
  • Rappeler le cadre légal : les articles L.2312-63 à L.2312-67 du Code du travail qui encadrent strictement la procédure.
  • Saisir le tribunal judiciaire en référé pour obtenir l’exécution de la procédure ou faire valider une désignation d’expert.
  • Solliciter l’inspection du travail si l’obstruction est manifeste ou répétée.

L’employeur peut-il contester une expertise ?

Oui. L’employeur peut contester la décision de recourir à une expertise, mais uniquement devant le tribunal judiciaire, et seulement pour des motifs limités comme :

  • Le recours abusif.
  • Le CSE n’a pas respecté la procédure.
  • L’expertise n’entre pas dans les cas légalement prévus.
  • Le périmètre ou le coût de l’expertise est disproportionné.

Attention

Le juge n’évalue jamais la pertinence économique de l’alerte, ni ne remet en cause les préoccupations du CSE. Il contrôle uniquement le respect de la procédure et les fondements juridiques de l’expertise.

Tableau récapitulatif : Réactions possibles face à une opposition de l’employeur dans le cadre de l’exercice d’un droit d’alerte économique

Situation
Réaction possible du CSE
Refus de répondre aux questions posées
Consigner le refus dans le procès-verbal
Rappeler le risque de délit d’entrave
Blocage de la procédure ou du vote d’expertise
Saisir le tribunal judiciaire en référé
Contestation de l’expertise
Faire valoir son droit d’alerte économique avec des éléments probants
Tentative de transfert au CSE d’établissement
Invoquer la compétence exclusive du CSE central
Désaccord sur le coût de l’expertise
Dialogue ou recours devant le juge

Comment bien utiliser le droit d’alerte économique ?

Le droit d’alerte économique est un outil puissant, mais encore faut-il bien l’utiliser. Cette section vous donne des conseils concrets, des outils pratiques et met en lumière les erreurs fréquentes à éviter pour que la procédure soit efficace.

5 erreurs fréquentes à éviter lors d’un droit d’alerte

Même si la loi encadre clairement le droit d’alerte économique, certaines pratiques nuisent à son bon déroulement. Voici quelques pièges à éviter :

1.    Attendre d’avoir des certitudes au lieu d’agir sur des indices

Beaucoup de CSE déclenchent l’alerte uniquement quand les difficultés sont avérées. Or, le texte parle de faits « de nature à affecter » l’entreprise, pas de preuves irréfutables. Une réaction trop tardive réduit l’utilité du droit d’alerte économique.

2.    Poser des questions vagues qui ne permettent pas de « forcer » une réponse utile

Une question générale comme « Où en est l’entreprise ? » n’oblige pas l’employeur à répondre concrètement.

Une question précise, telle que « Quel est l’impact de la perte du client X sur la trésorerie à 6 mois ? » le contraint à une réponse documentée.

👉 Impossible de poser les bonnes questions sans maîtriser le langage économique. Grâce à notre formation économique et sociale, les membres du CSE acquièrent les repères indispensables pour comprendre les enjeux clés de l’alerte.

3.    Négliger l’information des salariés pendant la procédure

Certains CSE lancent une alerte sans en parler aux équipes. Cela entraîne des incompréhensions, des tensions, ou encore des rumeurs.

Pourtant, informer les salariés – sans dévoiler d’éléments confidentiels – permet de préserver la confiance, le dialogue social et de légitimer l’action du comité.

👉 Lisez notre article sur la communication du CSE aux salariés pour comprendre comment informer vos collègues sans porter atteinte à votre devoir de discrétion.

4.    Déclencher l’expertise sans stratégie et sans cahier des charges

Le recours à l’expert-comptable est un droit, mais son efficacité dépend du cadrage.

Sans objectif clair, le rapport produit une analyse descriptive, et peu exploitable en réunion ou devant le conseil d’administration.

5.    Mal exploiter le rapport une fois remis

Une fois le rapport final transmis, certains CSE se contentent de le lire. Ils ne formulent aucune demande, aucune mesure alternative, aucune saisine de l’organe dirigeant.

Attention

Une alerte mal menée peut desservir le comité : elle entame la relation avec l’employeur sans résultat concret, ou elle peut être jugée abusive si elle repose sur des éléments trop vagues.

3 outils utiles pour suivre les indicateurs économiques de l’entreprise

Pour savoir quand déclencher un droit d’alerte économique, encore faut-il surveiller les bons signaux. Voici 3 outils que vous pouvez utiliser toute l’année, même en dehors d’une alerte :

1. Les comptes annuels

  • Transmis par l’employeur chaque année aux CSE de plus de 50 salariés.
  • Ils permettent d’analyser les résultats, la marge, la trésorerie.
  • Base essentielle pour détecter une situation préoccupante.

2. Les consultations récurrentes du CSE

  • Budget, stratégie, emploi : ces 3 consultations obligatoires donnent accès à des informations clés.
  • Permettent d’anticiper une baisse d’activité ou une perte de marchés.

👉 L’employeur ne tient pas compte de vos avis lors des consultations annuelles ? Consultez notre article sur les avis du CSE pour savoir comment agir.

3. L’échange constant avec les salariés et managers 

  • Remontées du terrain : retards de paiement, arrêt d’un chantier, baisse de production…
  • Ce sont souvent les premiers signaux d’alerte avant même que les chiffres ne le montrent

Rappel 

N’attendez pas que la situation se dégrade. Si vous sentez que l’entreprise n’est pas transparente sur ses difficultés financières ou que des décisions économiques risquent d’impacter l’emploi, engagez la procédure d’alerte.

Le droit d’alerte économique est avant tout un outil de prévention. Ne le voyez pas comme une déclaration de conflit, mais comme un levier d’action collective pour préserver l’activité et l’emploi.

FAQ – Droit d’alerte économique du CSE

Qu’est-ce que le droit d’alerte économique du CSE ?

C’est une mission légale du CSE, prévue par l’article L2312-63 du Code du travail. Elle permet d’interroger et d’obtenir une explication de l’employeur sur des faits préoccupants pour la situation économique, dans l’intérêt général des salariés.

Quand peut-on déclencher une alerte économique ?

Le CSE peut déclencher une procédure d’alerte lorsqu’il observe des éléments concrets de fragilité économique : baisse du chiffre d’affaires, perte d’un client-clé, ou encore tensions de trésorerie. Ces signaux doivent être de nature à affecter de manière inquiétante la situation de l’entreprise.

Quels documents l’employeur doit-il fournir au CSE en cas d’alerte ?

Le CSE a droit à toutes les informations économiques utiles : bilans, comptes, prévisionnels, tableaux de bord, carnet de commandes, indicateurs d’activité, etc.

L’employeur peut-il contester le recours à l’expert ?

Oui. Il peut saisir le tribunal s’il estime que les conditions ne sont pas réunies. Mais en pratique, le CSE dispose d’un droit encadré pour mandater un expert-comptable dès lors qu’il agit dans les règles.

Qui peut déclencher un droit d’alerte économique ?

Seul le Comité Social et Économique ou son CSE central dans les entreprises à établissements multiples, peut engager cette procédure du droit d’alerte économique.

Fondateur de FV Formation


Freddy VALLERANT

À propos de l’auteur

Je suis Freddy Vallerant, fondateur de FV Formation. Ancien élu d’entreprise devenu formateur, j’accompagne depuis 2015 les élus du CSE, les membres de la CSSCT, ainsi que les employeurs et managers.

Avec FV Formation, agréé par la DRIEETS Île-de-France, je propose des formations interactives basées sur la ludopédagogie et une veille juridique active. Auditeur DUERP, j’interviens aussi sur la prévention des risques professionnels et l’amélioration des conditions de travail.

Mon objectif : fournir des outils concrets pour des environnements de travail plus sains, humains et efficaces.

 

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